Du 12 au 22 mail, la Galerie Joseph, 7 rue Froissart, expose “Find an offline shelter”, le fruit du travail de Miju Lee et Grip Face en résidence à Majorque avec la Bibi Galerie et la colección SOLO.
Deux étagères mangent l’intégralité de la toile, comme dans un œuvre d’art brut. Et sur des cases de bois mises en perspectives et bien rangées, un yeti sans yeux nous regarde, assis, une plante semble avoir du mal à pousser, des cercles nerveux semblent créer des bulles de parole mystérieuse et comme écrasée, un visage est posé sur des livres qui disent en anglais et en coréen « IA, le nouveau dogme ». Sous le titre « Find an offline shelter » (Trouver un abri offline », le mayorquais Grip Face et la sudcoréenne Miju Lee, deux artistes contemporains et urbains, n’ont pas peur de la diversité de la couleur et des matières pour nous faire réfléchir au besoin de prendre du recul pour réfléchir au monde dans lequel nous vivons.
Mayorque, l’abri « offline » d’un vrai travail commun
C’est dans lors d’une résidence à Mayorque, sur les hauteurs sauvages de la ville de Palma, dans la même grande pièce blanche où ils avaient chacun leur lit, que les deux artistes, David Oliver, alias Grip Face et Miju Lee se sont réellement rencontrés. Dans ce havre aménagé par la Colección SOLO et par la BIBI Galerie, ils ont qui devait durer trois mois et qui s’est prolongée presque cinq mois. Le résultat de cette cure de désintoxication à deux loin est réseaux est une cinquantaine d’œuvres en 2 et en 3 D, dont 5 en commun où il devient difficile de départager qui a fait quoi. Certes, chacun a ses totems et marottes : Le travail de Miju est plus texturé, tandis que de Grip Face utilise des aérographes pour ses toiles, mais contre toute attente, les univers du mayorquais trentenaire et de la sud-coréenne quadragénaire sont habités par des thèmes et des motifs très proches : les mangas, une réelle curiosité pour le mélange des genres et des matières (on adore la sculpture de « soie » de Grip Face, ectoplasme chevelu si doux au toucher) et une question lancinant sur le « je » et ses mutations on et off-line.
Pour eux, il était important de vivre l’expérience d’une retraite à Palma en hiver, mais aussi de documenter leur résidence.TVE 2, la télévision publique espagnole, les a d’ailleurs suivis dans cette vie commune entièrement tournée vers la production d’œuvres personnelles et communes alors que la date de l’exposition parisienne était déjà fixée.
Créer et vivre à l’heure du web 3
A l’heure de ChatGPT où nous revivons comme aux premiers jours d’internet ou de l’électricité, le débat de savoir si les moyens technologiques que nous avons développés vont nous submerger, nous dépasser, voire tenter de nous remplacer telles le Golem ou le monstre du docteur Frankenstein, la « collab’ » de Grip Face et Miyu Lee tient un cap passionnant : les deux artistes sont à la fois pleinement à l’aise dans leur identité de « millenials» et expriment certaines craintes existentielles ainsi qu’un besoin de réflexion et de maturation que la résidence leur a octroyé. Eux qui se suivaient sur Instagram et ont pu y mesurer tout ce qui les réunissait avant même de vivre et de créer ensemble ne rejettent pas le monde qui est le leur. Ils y vivent, ils l’acceptent, ils le questionnent néanmoins avec une acuité qui est au cœur de leur création.
Le diptyque peint sous forme d’autoportraits qui ressemblent à deux posts Instagram séparés fait réfléchir à « ’illusion biographique ». Miju Lee caresse son yeti sur une photo postée d’un compte « certifiée » et Grip Face est sans visage, remplaçant son pseudonyme par « Tu historia », comme une page blanche à écrire.
Sous des dehors pop, maîtrisés et très « street » les œuvres personnelles et communes de « Find an offline shelter » forcent le posent donc la question du signataire de l’œuvre. Que l’on passe notre temps à essayer de reconnaître ce qui appartient à qui sur les œuvres créées en commun nous ouvre la perspective d’un réel dépassement de « l’auteur » sans pour autant que chacun renonce à signer de son nom et de sa sensibilité ce qu’il et elle apporte à notre monde en mutation. Se mettre un peu « offline » avec Grip Face et Miju Lee est l’occasion également pour nous de réfléchir ce dans quoi, ces prochaines années, nous allons persister et signer.
A noter
Si vous aussi avez la tentation de vous mettre « offline » à Majorque : la Galerie BIBI vient d’y ouvrir et représente une dizaine d’artistes tout à fait internationaux pour lesquelles elle organise des solo shows en pop-up dans des lieux extraordinaires du monde entier. Visite libre, mais à réserver par téléphone
La Colección SOLO est à visiter à Madrid et alors qu’elle vient de lancer une plateforme dédiée à l’art et l’intelligence artificielle, SoloJSN, il sera possible de voir les œuvres lauréates de l’opération à la Colección SOLO cet été.
Visuels (c) Grimalt de Blanch
12-22 Mai 2023, Galerie Joseph, 7 Rue Froissart.
Vernissages le 12 mai à 18h.
Source: https://cult.news